Le précieux liquide noir [PV Sven]

Trois jours.

Cela faisait déjà trois jours que Klein avait commencé à travailler sur cette île et il ne pouvait pas imaginer meilleure manière d'occuper son temps libre. Il y avait de nombreux jeunes aux pouvoirs tous plus extraordinaires les uns que les autres. Il avait accès à certaines informations des scientifiques sur leurs cas, et il passait son temps à s'occuper des jeunes en question.

Même le cadre des recherches était agréable. Frachement, que pouvait-on repprocher à la structure des lieux ? Absolument rien, tout était programmé pour un grand confort. L'île en elle même était belle avec ses falaises.

Comme quoi, l'esthétique participait beaucoup dans la mise en confiance.

Oui, l'être humain avait besoin d'esthétique, il devait se sentir perpétuellement entouré de cette espèce de beauté latente, que les gens normaux qualifiait de "bonne ambiance".

Mais Klein trouvait ce terme moins ... esthétique, justement.

Or, tout ce qui n'était pas agréable étant sans intérêt, le simple et si commun terme de "bonne ambiance", ce pouvait convenir à la longue et brillante réflexion qu'il était en train de faire. Car oui, même en réfléchissant, on devait toujours soigneusement choisir les expressions les plus adéquates.

Ce n'était, après tout, qu'une question de respect envers le vocabulaire que des générations s'étaient appliquées à inventer.

Mais tout cela n'avait pas vraiment d'importance.

Aussi, le jeune homme, se releva lestement du fauteuil dans lequel il s'était enfoncé et, n'oubliant de rejetter ses cheveux en arrière dignement, alla jusqu'à la machine à expresso. Il fouilla dans un petit meuble un instant, choisit un arôme qui lui plaisait et activa la machine pour se faire un café long, tasse pleine.

Il aimait le café noir, sans sucre et se dit un instant que ça ne collait pas avec sa personnalité. Il soupira brièvement.

- Tout cela ne peut que rendre ma personnalité plus attirante !

Il n'y avait personne dans la salle, mais ça ne faisait rien, la machine au moins, l'avait entendu. C'était un des seuls désavantages de l'île, le personnel était restreint, donc à part avec les jeunes, les contacts humains étaient limités. Cette situation avait des côtés frustrants, mais somme toute plutôt intéressants. C'était une forme de mise à l'épreuve.

Sur ces bonnes pensées pleines d'espoirs, Klein retourna se caler dans son fauteuil, sa tasse entre les mains, et commença à savourer le précieux liquide noir.

Sven avait reçu les dossiers des pensionnaires depuis un moment, mais il n’avait jamais vraiment trouvé le temps de s’y plonger totalement.

Les jeunes présents ici avaient tous un passé plus ou moins glorieux, et ils n’avaient pas réellement tendance à se laisser aborder facilement par qui que ce soit.

Il soupira longuement en songeant au fait que ce n’était pas à lui de s’occuper de toute la paperasse, mais à son supérieur.

Tout du moins, au supérieur qu’il était censé avoir.

Mais avec la disparition du directeur de l’établissement, il se demandait un peu si cette île conserverait son rôle initial.

Fermant le dossier qu’il parcourait, il poussa la porte de la salle des employés, songeant au délicieux chocolat chaud qu’il allait pouvoir savourer dans le canapé qui n’attendait que lui.

Chocolat chaud, tout simplement parce qu’il détestait le café ou toute autre chose amère.

Il ne leva pas les yeux de la pile de dossier qu’il tenait dans les bras, et il se dirigea presque immédiatement vers cette chère machine qui pourrait le libérer de cette souffrance dans laquelle il était.

Quelques pièces plus tard, un gobelet en plastique dans la main, il s’installa tranquillement sur son canapé en posant ses documents sur la table basse.

C’est en se laissant aller dans le fauteuil qu’il se rendit compte de la présence d’une autre personne.

Légèrement honteux à l’idée d’avoir ignoré cet individu et de s’être montré un petit peu impoli, il se releva prestement.

– Excusez-moi, je ne vous avez pas vu.

Il ne songea pas au fait que ce devait être encore plus désagréable d’apprendre que l’on avait tout simplement été ignoré.

Pourtant, ça n’était pas réellement sympathique de dire à quelqu’un que sa présence n’était pas remarquable.

Mais le grand sourire de Sven pouvait suffire à faire passer cette maladresse.

Ou à donner l’impression qu’il se moquait encore plus de cette personne.

Un instant, en regardant cet individu au physique si particulier, Sven se demanda ce à quoi il avait affaire.

Mais il n’était pas vraiment du genre à juger directement les gens sur leur apparence.

Plutôt sur ce qu’ils dégageaient.

C’était d’ailleurs ce qui l’avait toujours poussé à se méfier de l’ancien directeur.

Le jeune psychologue tendit la main en avant, souriant toujours calmement.

– Sven Nilheart. Je suppose que vous êtes arrivé il y a peu ?

Il ne savait pas réellement s’il prendrait la peine de faire visiter l’endroit à ce nouveau, lui-même n’en avait jamais vraiment eu le temps.

Et il avait bien assez de travail avec ses tentatives de présentation auprès des jeunes de cet endroit.

Pourtant, comme c’était Sven et qu’il était tout de même gentil, il proposa.

– Si vous avez besoin d’aide ou de quoi que ce soit, n’hésitez pas à demander.

Le jeune homme aux cheveux clairs était assis depuis cinq bonnes minutes quand l'autre était arrivé. Il avait d'ailleurs été si discert que Klein n'avait pas réagit tout de suite et s'était contenté de le regardé d'un air absent, comme s'il contemplait la mer ou ce genre de paysage qui ne nécéssitait aucune réflexion particulière.

Et puis il avait vu ce visage émergeant de cette pile de dossier.

C'était justement le genre de visage qui illustrait bien la question d'esthétique à laquelle il ne cessait de penser depuis tout à l'heure. Cet individu dégageait quelque chose d'attendrissant, d'apaisant. Son visage était fait pour rappeler l'enfance, mais dans un cadre adulte. Ses émotions ne devaient pas contenir de sentiments "impurs" comme le mérpis, l'hypocrisie ou ce genre de choses ...

Ou en tout cas, ça ne devait pas du tout lui aller.

C'était comme mettre un pantalon brun avec une chemise noire, ça jurait. Ou bien se mettre à fumer dans un jardin de rose, c'était décalé. Ou encore chanter du rap dans un bal populaire, impensable ! Tout le monde savait qu'on devait mettre des tons du beige au rose en passant par les orangés avec un pantalon brun, et qu'on fumait devant un balcon ou en lisant un livre, et que seules les musiques provinciales animaient les bals.

Ce qui s'écartait légèrement du sujet principal, à savoir l'harmonie du visage de ce nouvel arrivant.

A bien réfléchir, Klein ne se souvenait pas du tout de lui, ils n'avaient jamais dû se croiser, ou alors de très loin.

Ce n'est qu'en le voyant lui parler qu'il décida de se réveiller.

Parce que la différence entre remarquer l'arrivée d'un objet esthétique et remarquer l'arrivée d'un individu, c'était très différent. Et donc le jeune homme se dit qu'il devrait peut-être écouter.

Ensuite il se dit qu'il n'aurait peut-être pas dû ...

Comment cela il ne l'avait pas vu ?

Bon, il est vrai que, fondu comme il l'était dans ce fauteuil, Kleim semblait faire corps avec le lieu, c'était une de ses capacités naturelles. Mais c'était un tout petit peu vexant. Juste un tout petit peu ...

Enfin il n'allait pas y passer la nuit.

Il se releva, car de toute façon, en communauté, il n'était pas pas très poli de se recroqueviller dans un fauteuil trop grand pour soi comme on le ferait dans son domicile un jour d'hiver.

De toute sa hauteur, grand sourire sincère à la clef (on ne rencontrait pas un modèle d'esthétisme tous les jours), il s'avança prendre la main offerte.

- Eh bien Sven, permettez-moi de vous dire que je suis on ne peut plus heureux de vous rencontrer ! Et pour répondre à votre question, oui, je viens d'arriver.

I se prit à réfléchir, autant pour la mise en scène que parce que parler et réfléchir à la fois était assez difficile.

- Cela fait précisément trois jours, six heures et un vingtaine de minute. Je suis infirmier ici.

Et, effectivement, il aurait sans doute des questions à lui poser. Oui, également sur des sujets professionnels.

Mais comme il n'en voyait pas à cette seconde précise et que, ayant beau se creuser la tête pour trouver quelque chose, il ne voyait rien venir, il se décida à changer directement de sujet.

De toute façon, c'était toujours quand on cherchait des questions qu'on en trouvait pas.

- Et donc ...

D'où venait, ce "et donc", bonne question.

- Que fais une personne aussi délicate que vous dans un tel endroit ?

Oui, il lui demandait son métier, véritablement curieux de savoir si un genre de visage particulier pouvait être en lien avec une profession précise.

Alors que tout dans la conversation de cet homme pouvait sembler surprenant, c’est ce terme qui resta un peu plus longtemps dans les oreilles de Sven.

Il aurait, pourtant, pu se demander quel genre d’individu allait retenir jusqu’aux minutes le séparant de son arrivée dans ces lieux et l’instant présent.

Mais Sven resta interdit, suite à ce mot qui continuait à hanter sa tête, gardant cette autre main dans la sienne, cherchant à savoir si le jeune homme en face de lui se fichait de lui ou non.

Rapidement, il se rendit compte qu’il n’y avait aucune moquerie dans le visage de l’autre, et qu’il n’y avait donc aucune raison de se sentir vexé.

Sven se contenta de sourire un peu plus franchement en raffermissant un peu la poignée de main, ne se contentant pas uniquement du genre de poignée sans saveur que les gens avaient tendance à servir dans ce genre d’occasion.

– Je ne sais pas si on peut me considérer comme délicat… Mais je suis psychologue ici. Nous serons donc amenés à travailler ensemble assez souvent.

Oui, Sven pensait que pour parvenir à réellement aider les jeunes de cet endroit, les adultes devraient coopérer, se réunir et tout faire pour adapter chaque situation à chaque jeune. Pour leur permettre de se sentir au mieux sur cette île.

Sven retira doucement sa main, reprenant une distance un peu convenable avec le jeune infirmier.

L’autre ne lui avait même pas encore dit son nom, bien que Sven se soit déjà présenté à lui. C’est avec une certaine douceur qu’il demanda :

- Et au fait, quel est votre nom ? Que je n’ai pas à vous appeler Monsieur l’Infirmier perpétuellement.

Un peu d’humour permettait souvent de faire passer en douceur n’importe quelle question, et même si demander le nom de quelqu’un n’avait rien d’indiscret, Sven s’était toujours senti un peu mal à l’aise en le faisant.

Il ne s’en expliquait pas la raison, et n’avait jamais vraiment cherché à éclaircir ce point. En cela, il savait qu’il faisait l’exact contraire de ce qu’il demandait à ses patients.

Chercher la raison du problème était la base pour pouvoir en venir à bout. Mais, voulait-il venir à bout de cela ?

Probablement pas.

Il s’éloigna doucement du bureau et se pencha pour récupérer sa boisson posée sur la table basse, avant de se retourner à nouveau vers son interlocuteur.

Les dossiers qu’il s’était promis de consulter pendant sa pause attendraient probablement une prochaine fois… Mais il ne pensait pas que cela puisse poser un réel problème.

Il avala distraitement une gorgée de son chocolat, qui commençait doucement à refroidir, lui plaisant un peu moins, ne lâchant pas des yeux le jeune homme en face de lui.

Son regard n'avait rien d'inquisiteur ou quoi que ce soit, mais il le fixait, et ne se détournait pas.

Psychologue alors ... Oui, cela correspodait à merveille avec la réflexion poussée que Klein avait eu au sujet de ce si beau visage qui ne pouvait être qu'associé à de si exceptionnelles qualités.

Même si, en y réfléchissant bien, ce métier semblait totalement étranger au jeune homme qui s'était toujours beaucoup plus passionné pour les sciences exactes que pour les sciences molles.

Non pas qu'elles étaient moins bien, ou fausse, ou ridicule !

C'était un métier social, fait pour aider les gens, sans doute, alors ce n'était absolument pas déshonorant d'étudier cette discipline. Mais le fait était que l'infirmier avait toujours eu une préférence pour les matière ne comprennant pas la moindre divagation de l'esprit. Les faits scientifiques avaient quelque chose de rassurant.

Enfin, tout cela ne résolvait pas le problème majeur de la situation.

Un air horrifié se grava sur les traits de Klein qui, dans un geste théatralement majestueux, se mit la main sur le coeur, regrettant de n'avoir aucun décors fantaisie pour illustrer sa pose.

La réalité était parfois si ennuyeuse ...

- Comment diable ai-je pu vous faire l'affront d'oublier la moindre des politesses. Je me nomme Klein Gotfather, ce qui signifie "le petit père des dieux", même si le mot "petit" est légèrement dérangeant dans cette traduction. Enfin, si vous le désirez, vous pouvez tout à fait m'appeler monsieur l'infirmier, la puissance érotique de ce mot est beaucoup plus développé chez les femmes, aussi ça ne devrait pas poser problème !

Oublier de se présenter, ça n'avait pas du lui arriver depuis au moins trois semaines. Il ne le faisait pour ainsi dire jamais, sauf dans quelques cas particuliers ou les circonstances devenaient si puissantes qu'on en oubliait tout le reste.

Pourtant, avec un si beau nom de famille, c'était du gachis d'oublier.

Oui, parce que Klein était très fier de son nom, c'était très noble comme appelation. Ne restait que le prénom qui diminuait un peu l'ensemble.

Quelle idée de se nommer "petit". Son père à lui avait un de ces sens de l'humour ...

- Cependant, si vous décidez d'utiliser ce pseudonyme, laissez-moi vous appeler "monsieur le psychologue".

Ce qui était la moindre des choses.

Même si évidemment, la conotation était moins forte. Mais ça avait l'avantage d'être amusant, les prénoms étaient si banals que mieux valaient les oublier.

D'ailleurs, Klein avait déjà oublié celui de cette divine créature au regard perçant qui buvait devant lui un breuvage au goût sucré douteux.

Le sucre, quelle poisse.

Par contre ses yeux ... oh, ce n'était pas l'élément le plus esthétique de ce visage. Leur forme n'éavait rien d'originale. Non, l'effet venait du regard en lui même. Il était direct et franc, mais doux, et c'était sans doute ça qui donnait cette ambiance au personnage.

Mais ça n'était pas un regard de prédateur, bien heureusement.

- A ce propos, à quoi je pense ? Ajouta le jeune homme sur le ton de la plaisanterie.

C'était bien ce genre d'humour que l'on faisait dans ce genre de cas ? Il espérait que monsieur l'esthétisme personnifié le prendrait bien.

Il n'y avait pas de raison du contraire après tout.

C'est donc plutôt tranquillement que l'infirmier se retourna vers son fauteuil, oubliant les conventions. Puis il s'y lova doucement, à l'aise qu'il était dans cet espace confiné. Et tant pis s'il remplissait moins la pièce, sa voix porterait bien assez loin.

Prenant une nouvelle gorgée de son chocolat presque chaud, Sven se demanda si cet individu était clairement conscient des normes sociales quand il parlait.

Oui, ces normes inutiles qui faisaient en sorte que chaque être humain se munissait de nombreuses pincettes avant d’adresser la parole à un inconnu et, plus particulièrement, à un collègue.

En tout cas, on parlait rarement avec le mot érotisme quand on venait de rencontrer quelqu’un, sauf si le sujet était grivois dès la base.

Mais, assez régulièrement, ce n’étaient pas des collègues qui en parlaient. Plutôt de futurs amants, ce genre de choses.

Même entre psy, on attendait généralement un peu avant de parler d’érotisme ou de sexualité.

Il avait, clairement faillis s’étouffer dans son chocolat, mais avait su se maîtriser un minimum, plus surpris que gêné.

Et, il avait décidé d’appeler l’infirmier Klein, ou Monsieur Gotfather quand il serait sérieux. Par contre, dans des discussion plus sympathiques que professionnelles, nul doute qu’il l’appellerait Monsieur l’Infirmier.

L’autre question eut, un peu plus, tendance à lui faire tendre l’oreille.

Et de même, à le faire tiquer.

Tout simplement parce que tous les gens qu’il rencontrait avaient tendance à penser qu’il savait lire dans les pensées.

Il ne savait pas si Klein était sérieux ou non, mais il pensait que non.

Le jeune homme n’avait pas vraiment l’air attaché à ce genre de « convention ».

Ou alors, il le décevrait totalement.

Détournant un peu les yeux, Sven se contenta de répondre calmement.

– Je ne sais pas quel genre d’individu pourrait se vanter de pouvoir lire les pensées d’un être comme vous. A part quelqu’un vous connaissant par cœur, et encore, je suis certain que vous serez toujours plein de surprises.

Il ne comptait pas réellement faire de compliments, il ne faisait que dire ce qu’il croyait, pour le moment.

Au vue de la manière dont Klein était habillé, dont il se comportait et dont il parlait, c’était quelqu’un qui aimait attirer toute l’attention sur lui.

Aussi, pour que tout le monde le regarde perpétuellement, il fallait qu’il soit toujours plein de surprises.

La question était de savoir ce qui se dissimulait derrière ces grands sourires.

Klein était-il vraiment aussi insouciant ? Ou terriblement triste ? Il pouvait même être un monstre sous cette gaminerie visible.

Revenant au visage de Klein, Sven lui demanda calmement, sans se rendre compte qu’il penchait la tête sur le côté se faisant :

- Voudriez-vous que je puisse lire dans vos pensées ? Monsieur l’Infirmier ?

Il ne bougeait absolument plus, laissant son chocolat refroidir encore un peu, devenir bientôt imbuvable à ses yeux.

Adorable !

Ce visage penché sur le côté avait certainement des propriétés curatives incontestables, en tout cas, il détendait l’âme d’une manière fort réjouissante.

Et puis il y avait ce balancement de mèche juste devant l’œil, un vrai régal pour la vue.

Mais ça, ce n’était que la partie visible et concrète de cet être esthétique. Il s’avérait qu’un être humain se cachait dessous.

Pour une surprise, s’en était une de taille.

Voilà que Klein discutais avec un être humain depuis deux minutes sans s’en être aperçu plus tôt. C’était sans doute les informations de ses yeux qui avait bloqué celles de son ouïe, l’empêchant ainsi de se rendre compte de la vérité.

Ce qu’il l’avait le plus surpris, c’était qu’il se prête au jeu de « l’infirmier ». Bien sûr cela arrivait souvent que quelqu’un entra dans les délires du jeune homme, mais en général, ces quelque uns ne faisaient pas parti de ses collègues de travail.

Ce qui prouvait donc que … comment s’appelait-il déjà ?

Ce qui prouvait donc que le psychologue n’était pas qu’une machine de travail mais pouvait aussi se détendre.

Ensuite, ça réfléchissait, c’était capable non seulement de répondre aux questions (comme tous les autres objets du monde), mais aussi de faire preuve d’esprit en y répondant.

Klein mis environ une bonne minute de silence, les yeux exorbités, à parvenir à l’ultime conclusion.

- Mais vous êtes humain, ça alors.

Il ne se rendait absolument pas compte du caractère vexant de cette phrase, qui était un compliment pour lui.

- Il y a donc quelque chose qui vous a créé physiquement exceptionnel et qui, en plus, a eu l’audace de vous faire exister.

Se souvenant subitement que les propos qu’il avait jugé si intéressants s’adressaient à lui, il fit l’effort de tout se rappeler en accéléré.

La dernière question tenait limite de la provocation, non ?

Le contraire eut été dommage, elle avait tellement plu à l’homme aux longs cheveux.

Aussi, du fond de son fauteuil, il prit sa pose la plus alanguie et, le tout en une fraction de seconde, réussit à répondre.

- Donc pour vous répondre …

Comme si il y avait un lien logique entre les deux phrases.

- … Non, je n’aimerais pas que vous lisiez dans mes pensées, celles que j’ai actuellement pourraient vous choquer.

Petit sourire en coin.

En revanche, il m’intéresserait vraiment, moi, de pouvoir lire en vous. Ce serait tellement intrigant.

Et il était sincère.

Mais le mot « intrigant » était-il bien choisi ? Peu importait après tout. Un mot avait-il tant d’importance ? Pas pour Klein en tout cas, libre aux gens de les interpréter comme ils le désiraient. Il y avait bien d’autres manières de se faire comprendre.

C’est là que le jeune infirmier se mit à réaliser qu’il n’était pas sur cette île depuis quatre jours qu’il se mettait déjà à faire les yeux doux au premier joli minois venu.

Bah, c’était de sa faute après tout, il n’avait qu’à rester un objet esthétique !

Soudain une pensée le traversa.

Et si tous les employés de cette île étaient comme ça ? Il était vrai que même le directeur qui l’avait engagé présentait bien. Ce n’était pas la même ambiance mais il présentait bien. Alors en imaginant qu’ils ou elles soient tous comme ça …

Le monde se transformerait en paradis.

Est-ce qu’un rougissement pouvait se sentir ?

Oui, parfaitement.

Sven parvenait à conserver ses moyens, assez souvent, mais face aux paroles de ce presque inconnu, il avait légèrement craqué.

Il se dit un court instant que comme cet homme n’était pas un de ses patients, il ne devait pas y avoir de réel problème.

Cela ne l’empêcha pas de s’étouffer à moitié en avalant son chocolat un peu trop rapidement.

Chocolat qui, à présent, était totalement froid et donc, dégoûtant pour lui.

Mais comment pouvait-on dire ce genre de choses à quelqu’un que l’on venait tout juste de rencontrer ? Un collègue en plus !

Il mit quelques instants avant de réussir à réunir toutes ses pensées, se disant que, si l’autre pouvait lire en lui, il ne comprendrait pas grand-chose au joyeux bazar qu’il venait de mettre en quatre phrases.

Il lui semblait que ça ne lui était jamais arrivé, pas en aussi peu de mots.


Ah si… en moins de mots que Klein, il avait été anéantis.

Reprenant un peu son sérieux après avoir, clairement, entendu dans cette voix dans sa tête, il décida de prendre ce que venait de dire cet homme pour une franche plaisanterie.

Après tout, on ne disait pas à quelqu’un qu’il était un être humain !

Pas après avoir parlé avec lui depuis une dizaine de minutes !

Enfin, normalement…

Il ria, un peu plus franchement qu’il l’aurait cru, se rappelant des premières phrases de cet homme, oubliant les lourds sous-entendus qu’il avait fait par la suite.

– Bien sûr que je suis humain ! Je ne vous parlerais pas dans le cas contraire !

Il avait dit cela sans réfléchir, mais en y pensant, les fées et autres bizarreries risqueraient fort d’avoir envie de parler à quelqu’un comme Klein.

Mais n’étant pas une créature surnaturelle, Sven ne pouvait pas vraiment le savoir.

– Quand à mes parents, ce sont des gens normaux. Ni eux, ni moi n’avons rien d’exceptionnel.

Il regardait l’autre, souriant toujours.

Quand il disait que ses parents étaient normaux, il ne savait pas s’il disait la vérité. Son père était peut-être un ange, le diable ou… Autre chose.

Comme il ne l’avait jamais vu, il ne pouvait pas vraiment le savoir.

– En revanche, je me demande si vos parents sont bien humains pour avoir un enfant tel que vous. Tant dans votre allure que dans votre caractère, vous n’avez rien d’habituel.

Certes, ces quelques mots n’étaient pas aussi forts que ces compliments à la pelle que Klein avait su sortir d’une manière aussi spontanée, mais au moins, ils étaient pensés.

Mais, en regardant l’autre langoureusement installé dans son fauteuil, Sven se demanda pourquoi il devrait être le seul à avoir été gêné par les paroles de l’autre.

Sachant que, soit il réussirait à rendre l’autre confus, soit il tomberait un peu plus dans le rougissement qui le guettait, il proposa calmement.

– Quand à lire en moi… Vous pouvez toujours essayer, ils sont nombreux à avoir échoué.

En fait, ils n’étaient pas si nombreux que ça… Il y avait eu sa femme, quelques amis et les dames qui s’occupaient de lui quand il était enfant.

Mais ça, Klein n’était pas obligé de le savoir.

L'avait-il vexé ? C'est ce que Klein se demanda rapidement, le processus de réflexion s'affichant, comme d'habitude, sur son visage.

Parce que les gens s'étranglaient dans leur chocolat parfois à cause de ce genre de chose.

Mais il n'avait rien dit qui pouvait pousser quelqu'un à être vexé.

Ou alors il ne s'en souvenait pas. Quoi qu'il en soit, si c'était le cas, il était désolé. Aussi pour montrer qu'il faisait bien attenttion à ne pas froisser ... non, toujours pas ... son ami, il ferait bien attention à toujours afficher une mine très attentive quand il parlerait.

D'après son expérience personnel, ça rassurait les gens, pour une raison mystérieuse.

Le jeune homme ne savait pas si son regard insistant suffirait, mais bon, ça ne coutait rien d'essayer.

C'est donc avec une tête très "attentive" et très "compréhensive", tout sauf naturelle, qu'il répondit :

- Oui, ils sont à peu près humain, enfin il me semble. Je ne me souviens plus vraiment de mon père et ma mère avait tendance à dire qu'il était un peu spécial. Peut-être était-ce un extraterrestre après tout ! Mais oui bien sûr !! Et c'est pour cela que ses idées semblaient si dérengeante. Il avait une longueur d'avance sur le genre humain. Et cela expliquerait également ma beauté surnaturelle !

Autant pour l'attitude compréhensive et ouverte qui était pourtant pleine de bonne volonté. On ne se refaisait pas.

Klein avait bien faillis se lever dans l'élan, mais il avait eu peur de faire tomber son gobelet de café.

C'était moins savoureux par terre.

- Enfin, quoi qu'il en soit merci du compliment.

En remerciement, il lui sorti son plus beau sourire.

Non parce que, être qualifié d'exceptionnel deux fois en moins de dix minutes, c'était tout de même assez flatteur, et Klein appréciait d'être carressé dans le sens de l'ego.

Et tant pis si le mot "exceptionnel" n'avait jamais été cité.

- Même si, pour tout vous avouer, en fait, je ne pensais pas vraiment à vos parents, grand bien leur fassent tout de même de vous avoir conçu. Je parlais de l'origine même de la création, certains disent dieu, d'autre mère nature, d'autres encore les anciens ou encore la sélection naturelle, choisissez ce que vous voulez, il y a des noms à la pelle.

Klein lui même ne savait jamais très bien ce qu'il devait citer.

Et ne se souciait pas vraiment de vexer un individu sur un tel sujet. Que chacun puisse penser comme il l'entend, après la mort on finirait bien par savoir, ou pas d'ailleurs. Ce n'était pas si important.

Ce qui était très important en revanche, et qu'il brulait de demander au moment même où il avait entendu cette phrase ...

Il se mordilla le coin de la lèvre, ne pouvant dissimuler son sourire amusé de grand adolescent.

- Mais on s'en fiche de tout ça ! Alors ... ils sont combien à avoir essayer, que je tate la concurrence.

Ah les histoires de coeur, celles qui finissaient mal, celle qui ne finissait pas mais dont on ne parlait plus, les gens qui ne tentaient rien du tout et qui regrettaient éternellement, ceux avec qui on se disputait, les salauds qui se fichait bien des sentiments, et puis la famille qui voulait tout savoir, les collègues envahissants par dizaines, vos voisins qui voulaient faire ami-ami avec vous parce que la discussion avec leur poisson rouge ne leur suffisait plus ...

Il en avait entendu beaucoup des histoires de ce genre.

Et elles étaient toutes exceptionnelles.

Klein aurait bien aimé avoir à en raconter aussi. Pourtant, par un curieux hasard, il avait tendance à oublier. Rien n'avait assez d'importance pour être raconté.

Il se prit donc à avoir envie d'écouter.

Quand des êtres humains sortaint un tant soit peu du lot, et qu'ils se mettaient à raconter, ils était toujours étrangement passionnant.

…

…

…

Non, il n’y avait pas à chipoter, Klein était quelqu’un de très compliqué à suivre.

Il partait dans des tirades sur ses parents, ses qualités, les dieux…

Y avait-il seulement une vraie logique dans tout ce qu’il disait ?

Croyait-il vraiment ce qu’il disait ?

Sven reposa son gobelet, vide à présent, et prit une chaise pour s’installer face à cet étrange personnage qui n’était pas sans lui rappeler un personnage de manga…

Il posa ses coudes sur le bureau, et regarda l’autre tranquillement.

– Vous savez… Vous êtes vraiment spécial dans votre genre.

En fait, discuter avec quelqu’un comme Klein avait quelque chose de fatigant, et en même temps, passionnant.

– Et, vous savez, je ne pense pas que les dieux auront décidé de la manière dont il fallait me créer.

Parler de ses parents n’était pas facile, mais être considéré comme quelque chose de remarquable, de beau, c’était probablement bien plus dur.

Sven s’était toujours considéré comme quelqu’un de banal, et il ne voyait pas ce que Klein pouvait lui trouver.

Ses yeux étaient noisettes, comme beaucoup d’autres yeux noisettes, à la seule différence qu’ils ne laissaient rien paraître de ce qu’il pouvait ressentir.

Ses cheveux étaient bruns et, même quand il ne les coiffait pas, ils semblaient se coiffer tous seuls.

Sven se ressaisit rapidement, repensant à ces « rivaux » dont Klein voulait en apprendre plus.

– Quand à vos chers rivaux, je ne vais pas vous mâcher le travail ! A vous de lire dans mes pensées pour savoir ce genre de choses.

Ou, comment ne pas répondre à une question à laquelle on ne sait pas quoi répondre.

Laissant aller sa tête dans ses bras, Sven ne leva qu’un œil vers l’infirmier.

– Mais tout de même… J’ai du mal à comprendre la manière dont vous réfléchissez. Soit vous vous fichez de tout, soit votre masque insouciant a très bien été construit.

Si Klein portait un masque, Sven avait fait une erreur de lui parler ainsi.

Mais, de même, si Klein portait un masque, il ne valait pas la peine.

Même si Sven portait un masque gentil, c’était uniquement pour cacher ce qui le faisait souffrir, rien de plus, pas pour se jouer ou se moquer de ceux qui l’entouraient.

Il continuait de regarder le jeune homme aux cheveux longs, cherchant dans son visage la moindre réaction pouvant trahir une gêne, ou, au contraire, une réelle surprise.

Il savait que personne sur cette île ne pouvait être réellement innocent.

Tout le monde avait une raison d’être ici, ce n’était pas le destin qui amenait les voyageurs perdus.

Quelque chose avait donc amené Klein ici, et la question était de savoir…

Quoi ?

La plupart des machines électroniques sont bien conçues, belles flamboyantes, utiles, agréable, elles rendent la vie plus simple et permettent d'aller bien plus vite dans son travail.

Enfin ... dans l'idéal. Parce que la plupart du temps, entre le temps passé à apprendre à se servir de ces machines et celui à faire le travail à la main, on ne voyait pas la différence. et c'était encore pire en cas de panne, du bug lorsqu'il s'agissait d'informatique.

Parce que que la machine avait tout simplement décidé d'arrêter de réfléchir.

Le trou noir.

Le néant.

Le vide intersi ... et on n'allait pas continuer trop loin.

Bref, un bug, c'est ce qui se produisit dans l'esprit de Klein, cachant cette histoire de rivaux et autres billevesées.

Un masque ?

- Un masque ? Ne peut-il s'empêcher de répéter machinalement, les yeux vides.

Klein ne pensait pas en porter. Après, certes, il ne disais jamais tout à tout le monde, mais c'était surtout à cause de l'effort que cela demandait de repenser à toutes les choses qu'il fallait dire ou montrer.

Il en avait conclu depuis longtemps qu'il était beaucoup plus simple de ne montrer que ce à quoi on pensait au moment où on le pensait et de laisser le passé pour quand le sujet viendrait. Et puis après il y avait les normes sociales qu'il fallait un minimum respecter.

Mais juste le minimum de base.

- Mais cependant je ne pense pas me ficher de tout. Est-ce que cela se dit "ficher" ? Donc je suppose que je dois avoir un bon masque. Enfin je crois ... C'est grave ? Demanda-t-il soudainement réellement préoccupé.

En fait, ce psychologue devait être vraiment doué pour le mettre autant dans l'embarras en si peu de temps, Klein en avait les bras ballant et avait oublié son grand sourire au profil d'une mine inquiète.

Une personne normale se serait demandée si Sven avait un petit côté paranoïaque.

Ou bien si il avait eu de mauvaises expériences dans son passé.

Peut-être même qu'une personne normale se serait demandé si il allait bien, même sans trop le connaître, par pure sympathie.

Au contraire, ce genre de personne aurait pu se méfier de Sven. Parce que sous-tendre si aisément qu'on puisse afficher en permanence un masque, pouvait également dire qu'on en avait un soi-même, potentiellement dangereux.

Mais tout cela n'était que pur bavardage visant à combler les manques de pensées actuels du vrai personnage.

Parce que Klein ne pensais pas ce genre de chose. Il ne se souvenait déjà pas du nom du psychologue, alors de là à partir dans une intrigue aux multiples possibilités ...

Le résultat de tout cela était que cet être au visage si particulièrement intéressant l'intrigait de plus en plus.

Beaucoup de personnes l'avait déjà intrigué, mais jamais de cette manière psychologique.

Il était brillant.

Sven tenta de résister.

Non, vraiment, il fit de gros efforts pour cela, il mobilisa toute sa volonté.

Mais il échoua totalement.

Il éclata de rire.

Un vrai rire, joyeux, absolument pas méchant. Le genre de rire qui vous attrapent et ne vous lâchent pas. Qui refusent de vous laisser en paix pour parler aux gens.

Klein était juste trop drôle.

- Non, ne pas faire attention à tout n'est pas si grave que ça.

Répondit-il tout de même pour, immédiatement, rassurer le jeune homme quand à son rire. Mais, cette question était tellement...

Innocente.

Klein avait vraiment quelque chose de mignon et d'enfantin. On ne parlait pas de cette manière à son âge. On s'offusquait, on criait, on parlait, on interrogeait.

On ne demandait pas si c'était grave de se "ficher" de quelque chose.

D'ailleurs, Sven ne savait même pas si ça se disait, se "ficher".

Probablement pas.

- En tout cas, je dois m'excuser, je pense... Vous ne portez certainement pas un masque si lourd que ça. J'ai eu tord de dire cela.

Oui, si Klein portait un masque, il devait être bien léger. Le jeune homme semblait beaucoup trop pure, beaucoup trop innocent pour tromper son entourage de manière consciente.

Ou alors, il était très très très très fort.

En cela, il risquait même de devenir dangereux.

Mais à bien y chercher, il n'y avait aucune raison pouvant pousser Klein à tenter de tromper tout le monde. Enfin, fallait-il vraiment qu'il y ait une raison ?

- J'espère au moins que vous mettrez autant d'énergie à soigner les enfants qu'à parler avec des inconnus.

Oui, s'il les soignait comme cela, les enfants n'auraient absolument pas à s'inquiéter. Quoi que, trop d'énergie risquait sans doute de leur faire plus de mal que de bien.

Et encore, pour ces jeunes qui venaient d'endroits lugubres, être face à quelqu'un comme Klein serait surprenant, déstabilisant, mais peut-être constructif.

Voir même, agréable.

Sortant de sa rêverie, Klein se redressa tout à coup, poing dressé, cheveux volants au vent.

- Aucune crainte à vous faire ! Jamais encore je n'ai laissé le moindre patient à l'abandon. Le métier d'infirmier est une vocation, venir à l'aide d'une personne en détresse oiu faire avance la science doit toujours être nore priorité ! Car c'est seulement de cette manière que le monde ... Oh et puis au diable la belle phrase.

Il adressa un grand sourire au psychologue qui devait se demander où il était parti.

- Je suis toujours sérieux quand je travaille, c'est vital.

Et ça l'étais autant pour les patients, on ne rigolais pas avec la santé, que pour le porte monnaie. Oui, aussi basique et normal soit cette évidence, personne ne pouvait y échapper, l'argent était essentiel pour vivre.

Et en gagner sans emploi, ce n'était pas une chose des plus aisées.

Alors pour le bien de ses sous, il fallait bien gagner sa vie sans être renvoyé.

Même si ce poste était une aubaine.

Pas de patients mourrant, juste de la recherche, de l'accompagnement sans stress permanent. Où pouvait-on se vanter de trouver ce genre d'emploi ?

Klein aurait été prèt à parier que c'était également une des motivation de l'être fantasmabuleusement gracieux qui se tenait là devant lui. Et de tous les employés en général.

Il ne pouvait pas en être autrement.

Mais il sentait quelque part qu'une petite chose lui échappait sur cette île.

Enfin ça n'avait pas d'importance.

Pour le moment, ce qui avait de l'importance, c'était que l'infirmier focalisait sur ce rire et qu'il ne s'en démèlait pas, impossible de penser à autre chose, et pourtant il se forçait.

Mais quand il l'avait vu, ce rire si chaleureux, qui allait si bien avec ce visage, et qui donnait tellement envie de rire aussi, même si on en était la cause.

Et puis il était doux, ou alors Klein en perdait le latin qu'il n'avait jamais eu.

L'esthétique du tableau était absolument parfaite, même la luminosité s'était accordée avec l'instant pour créer une ambiance grandiose.

Même les plus petits détails participaient, un léger rougissement sur la pointe de la joue, les cils qui voletaient, et en même temps, ce son très légèrement rauque derrière un timbre de voix poirtant assez aigu, ça lui ajoutait un autre aspect, une autre dimension. Un petit côté viril derrière la douceur.

Klein ne savait pas lire dans les pensées, mais il savait parfaitement reconnaître la beauté où elle se trouvait, même cachée derrière une colère noire quand ça arrivait.

Mais là ce n'était pas le cas, la joie simple, rafraichissante, voilà ce que c'était.

Une oeuvre d'art à l'état pur, autant dehors que dedans d'après ce rire.

Cela troubla tellement Klein qu'il finit par céder à la tentation.

- Pardon mais ... vous êtes si lumineux que je n'arrive pas à retrouver mes esprit. Vous accepteriez de recommencer à rire, juste pour moi ? S'il vous plais ? Je peux me mettre à danser le tango sur une table si ça peut vous aider.

Une fois, ça avait déjà marché, elle avait ri de bon coeur, et ensuite c'était devenu plus sérieux, et ensuite elle s'était marié ...

Tant pis, c'était tout de même très amusant.

Parce que le plus important, c'était de s'amuser dans la vie !

Sven s’était un peu reculé face au ton beaucoup trop emporté de l’infirmier.

Il plaignait quand même un peu les pauvres élèves pour le coup, ces derniers auraient affaire à un drôle de numéro.

Il visualisait presque un adolescent, le genou en sang, attendant que Klein achève son délire sur son rôle et sur la manière dont il allait le curer de tout problème.

Mais un tel emportement restait encourageant, il y avait au moins une personne pour réellement aimer son travail.

Surtout dans cet endroit.

Et s’il affirmait être sérieux dans son travail, il se calmait sans doute un peu lorsque l’enfant devant lui avait vraiment mal.

Mais à l’étrange demande de Klein, Sven se sentit à nouveau emporté par un véritable fou rire.

Il ne le faisait pas exprès, vraiment.

Et même, en soit, il aurait préféré ne pas rire à nouveau, surtout si cela mettait Klein mal à l’aise, ou lui donner de fausses idées.

Mais il l’imaginait parfaitement se mettre à danser sur le bureau pour lui donner le sourire, et plus que la demande, c’était cette image qui le déridait à ce point.

Il mit un moment à se calmer, essuyant même une larme qui perlait légèrement au coin de son œil.

– Je ne sais même pas si vous vous rendez compte du genre de choses que vous dîtes…

Marmonna-t-il en se redressant légèrement, reprenant son souffle et réunissant ses idées.

– Est-ce que vous parlez de cette manière à toutes les personnes que vous croisez ?

A nouveau, Sven s’attendait à une réponse loin de ce qu’il attendait, et probablement encore plus gênante que tout ce qu’il avait eut avant.

Mais, il voulait à tout prix réussir à s’habituer le plus rapidement possible au caractère si particulier de Klein, voir même, réussir à le comprendre et à saisir clairement ce que chacune de ses phrases pouvaient réellement vouloir dire.

Pour le moment, il s’attendait à ce que Klein lui explique qu’il ne disait cela qu’aux personnes qu’il trouvait esthétiquement potables.

Ou… « lumineux », comme il venait de le dire. Il lui dirait probablement quelque chose dans ce goût là, parlant des humains comme d’objets, comme il semblait le faire pour chaque personne.

Après tout, il avait mit plus de cinq minutes à constater que Sven, qui lui parlait, s’était présenté et avait bu une boisson, était un être humain.

D’ailleurs, il était même capable de l’avoir oublié.

– Ou est-ce que ce genre de demande n’est que pour un nombre restreint d’êtres humains.

Il avait insisté sur le côté « humain », cherchant à ce que Klein se rende bien compte qu’il allait maintenant vivre entouré par eux.

Il serait réellement gênant de voir les jeunes allant à l’infirmerie être considérés comme de simples objets de décoration.

Car, les objets n’avaient pas de sentiments ou d’émotions, ils ne pouvaient pas être blessés.

Contrairement aux humains qui portaient toujours en eux de trop nombreuses cicatrices.

Magnifique.

Exceptionnel.

Beau.

Somptueux.

Et la liste pouvait continuer encore bien longtemps comme ça. Oui vraiment, un bienfait pour les sens ! Mais attention, il na faudrait pas en abuser.

Parce que ce serait un sacrilège de se lasser d'un si beau rire.

Un jour, il avait entendu rire un homme qui, lui aussi, dégageait quelque chose de particulier, bien dans son genre cependant. Mais Klein l'avait tellement écouter qu'il avait fini par ne plus rien ressentir en l'écoutant. Quel gachis c'était.

Et à bien y réfléchir, non, il ne lui avait pas parlé de la même façon.

- Je ne suis pas psychologue, donc je ne peux pas connaître les pensées de ce ... de ceux qui m'entourent, mais il me semble que chaque chose que je dis, n'est que pour qui la reçoit. Vous parlez de la même manière à tous vos amis vous ?

Ce serait vraiment étonnant.

Et encore, le jeune homme n'avait cité que les amis entre eux, parce que si on comparait deux individus plus éloignés comme un membre de la famille et un amant, c'était encore plus différent. Ou alors son patron et le gamin qui venait chercher des sucreries à Halloween ...

Désopilant.

Klein regardait à présent l'humain lumineux avec des yeux ronds comme des soucoupes, essayant d'imaginer ce genre de déclinaison sur lui.

Là aussi, ça deveenait vraiment comique.

Il ne put retenir un sourire qui perça au coin de ses lèvres.

- Imaginons que vous soyez Hector, mon grand frère ...

Il s'agrippa à son bras de manière négligente et laissa rouler sa tête sur son épaule, faisant mine d'être fatigué.

- Je viendrais me reposer et vous débiter un tas de problèmes existentiel, prèt à vous écouter également au besoin. En revanche, si vous étiez Karl, mon ami si viril, je prendrais de la distance.

Pour bien illustrer, il s'écarta ostensiblement.

Un instant, il se demanda ce que le psychologue, il avait renoncé à retrouver son nom, pouvait bien penser de cet exposé.

Peut-être le prennait-il pour un fou ?

Quoi qu'il en soit, comme il avait un avis pertinent sur tout et faisait preuve de belles émotions, Klein aurat bien payé très cher pour pouvoir se glisser dans sa tête.

Pas pour fouiller outrageusement, juste pour s'éblouir un peu plus du genre de mentalité et d'idées qu'il avait.

Il ne devait pas y avoir la moindre noirceur, impossible ...

Non, le mot blesssure lui était bien étranger.

- Enfin, si vous étiez une jolie fille, particulièrement apétissante, dégageant un flop de phéromones particulièrement insistant ...

Il se rapprocha à nouveau, laissant sa phrase en suspens, un grand sourire avide sur le visage, juste pour voir la réaction de l'autre.

C'était sa méthode à lui pour creuser un peu.

A défaut d'une autre, on en apprenait beaucoup sur une personne en la provoquant un peu.

Et puis Sven, tiens il s'appelait comme ça, ne pourrait pas le lui reprocher.

N'avait-il pas fait la même chose dix minutes avant ?

Sven ne fit un pas un geste, penchant à peine la tête en arrière pour s'éloigner de Klein. Après tout, ce n'était pas vraiment la première fois qu'il avait ce genre d'approche.

Il pensait, notamment, à un patient adulte autiste qu'il avait eu un jour et qui avait la sérieuse tendance à lui sauter dessus pour l'embrasser.

Non pas que Klein soit autiste, ni qu'il lui fasse réellement penser à ce patient par cette attitude.

Il ne pensait pas, non plus, que Klein irait vraiment jusqu'à l'embrasser.

Mais il se faisait juste la réflexion que ce genre de situation avait vraiment tendance à se répéter assez souvent.

Assez souvent pour ne pas être gêné par cette proximité.

Et même, pour être capable d'en jouer.

- Oui ? Si j'étais quelqu'un de ce genre ?

Il rapprocha un peu son visage de celui de Klein, penchant légèrement la tête sur le côté.

Ne le lâchant pas des yeux.

Parfaitement conscient du risque qu'il prenait avec ce genre de propos et d'attitude.

Mais jusqu'où oserait aller Klein ?

Probablement à quelques paroles encore trop emportées.

Au pire, à un baiser volé et rapide.

Et, face aux étreintes de l'homme autiste, ce ne serait vraiment rien.

- Que feriez-vous dans ce cas là ?

Il ne bougeait toujours pas, tentant, et se laissant tenter en même temps.

Un baiser, ça ne représentait pas grand chose après tout.

En tout cas, pas pour lui.

On lui repprochait souvent, d'ailleurs, de ne pas faire attention à ce genre de détail.

De ne pas se rendre compte que ces marques d'affection pouvaient être importantes...

Ce qu'il ferait dans ce cas là ?

En fait il n'y avait pas de bonne réponses. Ou tout du moins, il n'y en avait pas qu'une seule. Parce que des attitudes faces aux jolies filles, Klein en avait beaucoupn tout dépendait de la fille en question. Enfin fille ...

Disons plus simplement que tout dépendait de la charmante personne aux phéromones intenses qui se trouvait là.

Alors soit il sortait quelques phrases de romans, n'ayant lui-même que peu d'imagination, ce qui plaisait en général. Mais cette technique avait la facheuse particularité d'être à la limite de l'hypocrisie, même si les répliques étaient choisies avec coeur.

Or les femmes avaient du mal avec l'hypocrisie ...

Même quand elle était pleine de bonne volonté.

Soit il disait ce qu'il pensait, en toute franchise, et dans ces cas là, l'affaire se passait mieux. Car oui, les gens avaient tendance à toujours préférer ce genre d'attitude, même si elle pouvait sembler déroutante au premier abord.

C'est un ami qui lui avait dit ça un jour. Klein n'avait pas très bien comprit mais s'en était souvenu.

Et puis il y avait les gens qui répondaient aux provocations ...

Et là c'était vraiment une réaction par individu.

- Si vous étiez ce genre de personne, et aux sexe près, ce n'est pas si loin, je ferais beaucoup de choses très compromettantes !

Il lança son grand sourire de gamin heureux et se jetta bras en avant sur l'objet de son attention, pour pendre ses bras à son cou.

Ou alors il se laissa tomber sur lui, la différence étant assez maigre finalement.

Il se demanda une brève seconde ce qui pouvait bien se passer dans la tête de Sven, parce qu'il n'aiat quand même pas un regard des plus provocateur, contrairement à ses paroles.

Mais ce devait être un effet de style.

Et puis le regard de provocateur ne lui irait sans doute pas, ce n'était pas une expression douce.

Donc au final, ce petit air faussement, ou vraiment telle était la question, mélancolique lui allait parfaitement bien.

Le jeune homme laissa échapper un petit rire après une brève incursion mentale dans la réalité de la situation.

- Il ne faut pas me laisser faire ça vous savez ...

Après tout, on ne sautait pas impunément sur ses collègues de travail au bout de dix minutes de discussion.

Mais ce n'était pas de sa faute à lui, c'était celle du psychologue !

Il n'avait qu'à pas être aussi esthétiquement parfait.

Bah ...

Il suffisait d'attendre d'âtre repoussé, maintenant ou plus tard. Ce n'était pas comme si un simple baiser pouvait avoir de quelconques conséquences.

Un tout petit.

- Ce n'est vraiment pas sérieux.

Et sans plus attendre, comme un chaton devant une pelote de laine, Klein entama une de ses activités favorites, le bécotage.

Qu'au moins il puisse en profiter un peu avant la fin.

C'était de bonne guerre.

Quant au fait de risquer, ou non, de heurter Sven à cause d'un potentiel passé difficile, il faut bien dire que cela ne lui traversait pas du tout l'esprit.

Sven n'avait, à son grand regret, pas eu le temps de dire quoi que ce soit avant que l'infirmier de l'île ne lui saute dessus, menaçant sérieusement de les faire tomber tous les deux lourdement au sol.

La chaise avait tenue bon, c'était déjà un bon point.

Quand à penser quelque chose qui ait un minimum de sens...

Mettons qu'il avait eu le temps pour un retentissant :

"Qu'est-ce que..."

Qui, en anglais, aurait été un très beau WTH.

What the Hell.

Mais, ces pensées bilingues et autement philosophiques ne l'aidaient pas vraiment à régler cette situation.

Ni à mieux l'appréhender.

Klein continuait à parsemer son visage de petits bisous dont le jeune psychologue se passerait bien, et il l'arrêta avec l'une de ses mains.

- Si vous savez que ce n'est pas sérieux, ne le faîtes pas.

Il avait réussi à éloigner un peu le visage de l'autre, et le regardait calmement, pas vraiment en colère.

Après tout, c'était lui qui l'avait cherché...

- Ne faîtes pas les choses si vous les regrettez après.

Il se serait volontier relevé pour s'éloigner un peu, mais Klein était un peu plus lourd que ce qu'il en avait l'air, et Sven n'était pas ce qu'on pouvait appeler un grand sportif.

En tout cas, il ne disposait pas d'assez de force pour se dégager de l'autre sans le faire tomber au sol.

Et s'il n'avait pas vraiment envie que Klein continu son manège à bisous, il ne voulait pas non plus le jeter par terre comme une vierge effarouchée.

Déjà, il n'était plus vierge pour le faire alors...

- A moins, bien sûr, que vous adoriez faire des choses pas sérieuses, en vous fichant des conséquences ?

Il se serait volontier frappé pour le coup.

Souligner ce genre de choses, poser ce genre de questions, ça pouvait être bien.

En consultation.

Quand l'autre était assis en face, ou allongé sur un divan.

Pas quand il était sur vos genoux, dans une salle de personnel, et que n'importe qui pouvait entrer.

Sven se dit, d'ailleurs, qu'ils n'auraient vraiment pas de chance si quelqu'un choisissait ce moment exact pour pousser la porte.

Non, vraiment pas...

Le jeune homme chercha.

Puis il chercha encore. Et encore un peu plus. Il observa le sol un peu plus près et se rendit compte qu'il était assis. Il réussit même à supposer qu'il y avait une chaise sous le psychologue aux traits si doux.

Mais ça ne l'aida pas vraiment à trouver.

Décidement, il avait beau se creuser la tête, cela ne lui revenait pas.

- J'ai dit que j'allais le regretter ? Fit-il les yeux ronds, véritablement perturbé par la phrase que son collègue avait émise.

Parce que bien des sentiments se présentaient à lui, mais le regret n'en faisait strictement pas parti, peut-être vaguement celui de s'être arrêté.

Pour un homme, cette apparition esthétique était drolement confortable. Les lèvres un peu sèches tout au plus, mais rien de très grave.

Et pas très fort mine de rien.

Klein avait senti une ou deux tentatives pour le repousser, cependant, étant tenace de nature, elles n'avaient rien fait.

Une semaine sans contacts physiques, ça décuplait vos forces et vous donnait envie de vous rattraper ne serait-ce qu'un peu.

Et à propos de contacts physiques ...

Se redressant, l'homme pointa un doigt au ciel et prit son air le plus sérieux pour montrer qu'il était très ... sérieux, sans surprise.

- Mais sache, douce créature, que jamais je ne pourrais considérer la moindre étreinte comme un acte amusant et sans valeur. Bon, certes, c'est amusant d'embrasser quelqu'un, mais, je ne sais pas ce qu'il en est pour toi, cependant, chaque geste partagé a pour moi la plus grande importance et ... Oh !

Il claqua sa main sur la joue, venant visiblement de comprendre.

Une illumination !

C'était évident.

Il s'en serait giflé de ne pas y avoir songé plus tôt, ce qui aurait évité bien des désagréments. D'ailleurs, il l'aurait fait s'il avait été masochiste. Mais il ne supportait pas la douleur, donc il ne le fit pas.

Cela expliquait tout.

Pauvre psychologue. Ces baisers avaient dû être une épreuve pour lui. Il avait dû souffrir le martyr, ou pire, ne pas comprendre.

Pourtant il avait dit que ...

Mais non, Klein avait dû mal traduire les signaux et c'est ... comment s'appelait-til déjà ? Fiche mémoire. Bref, l'homme à la morphologie si esthète avait du prendre sur lui pour affronter le pire des outrages.

Ce ne pouvait être que ça !

Se rendant compte qu'il avait la bouche ouverte comme un poisson hors de l'eau, il se précipita pour parler, d'un ton horrifié.

- Mais c'est bien sûr ! Votre pureté vous empêche de comprendre et d'apprécier les contacts humains. Vous qui êtes un ange, ce genre de choses doit vous paraître troublante. Et moi qui suis habitué à la souillure de la chaire, j'ai dû mal interpreter vos propos et vous ai sali de mes pratiques scabreuses. Il était pourtant évident qu'une visage tel que le votre ne pouvait pas émettre la moindre provocation d'ordre sexuelle !

Bon, Klein ne considérait pas scpécialement que tous les sujets et comportements liés de près ou de loin au sexe étaient sale, bien au contraire. Mais il se disait que c'était le cas pour une créature si pure et donc qu'il devait faire atention à ce qu'il disait.

Il n'aimait pas faire de mal à qui que ce soit.

Du moins pas consciemment.

Sven ne bougea pas, restant sérieusement interdit par ce que venait de dire le jeune homme qui ne quittait pas ses genoux.

En fait, il n'était pas sûr d'avoir réellement comprit ce que l'infirmier avait pu dire.

Est-ce qu'il pensait qu'il était...

Enfin, qu'il n'avait jamais...

Non, il ne pouvait quand même pas croire quelque chose comme ça, Sven était déjà terriblement proche de la trentaine, l'autre devait bien se douter qu'il avait déjà dû faire ce genre d'expérience !

Normalement...

- Vous pensez vraiment ce que vous dîtes ?

Il regardait Klein calmement, songeant réellement que c'était une pensée totalement irréaliste.

Klein ne pouvait pas penser pour de vrai ce qu'il était en train de dire.

- Vous pensez vraiment que je pourrais être... encore vierge ?

Bien sûr, il aurait pu l'être.

Il n'avait jamais été du genre à faire la fête ou à réaliser des dizaines de folies, mais il avait eu la chance de rencontrer l'amour, et ça lui avait suffit.

Sa femme, il l'avait aimé et lui avait été fidèle, une seule aventure, ça lui aurait largement suffit, il n'aurait pas eu besoin de plus.

Finalement, il avait connu plus, beaucoup plus, mais ce n'était pas de l'infidélité, c'était de la consolation.

Une étreinte pour oublier ce qu'il avait perdu.

Une étreinte, pour occuper la nuit et aider à dormir un peu.

Alors que Klein parle de pureté, d'ange, et il ne savait trop quoi d'autre, ça avait sérieusement quelque chose de risible.

- Désolé de vous décevoir, mais je ne suis pas un ange, et si je ne suis pas un connaisseur, je suis loin d'être un néophyte en ce qui concerne les relations charnelles.

Il regardait toujours Klein le plus sérieusement possible, guettant ses réactions.

Il craignait un peu de le voir soudainement déçu, voir dégoûté.

Mais, en même temps, il ne pensait pas que Klein puisse le juger en quoi que ce soit.

Le jeune homme ne devait pas être un esemple en ce qui concernait les rapports humains.

Sven se mit soudainement à sourire, ce changement d'expression pouvait sérieusement en surprendre plus d'un, mais il s'en fichait bien.

- Maintenant, pourriez-vous descendre de mes genoux ? Ce n'est pas vraiment confortable comme position...

En fait, ça n'était pas particulièrement inconfortable, mais ça ne lui était pas très habituel, ni très agréable.

Disons qu'il avait plutôt l'habitude, avec les hommes, d'inverser cette position, cela n'avait rien d'habituel pour lui.

Et il trouvait même Klein un peu lourd en fait...

Il ne bougea cependant plus, il avait déjà essayé sans y parvenir, et il ne voulait plus se fatiguer pour rien.

Aussi, il se contenta de regarder Klein calement en souriant toujours, attendant qu'il se décide à se reculer pour reprendre une position un peu plus convenable.

Instant de silence,une mouche vola.

Puis le jeune homme regarda ses cuisses, puis le psychologue, et éclata d'un grand rire.

- Effectivement ! Je n'avais pas remarqué que j'étais encore assis sur vous !

Et lestement, il sauta sur ses jambes et fit quelques pas, ou sautillements selon la définition, pour s'écarter un peu, tout à ses pensées qu'il était.

Donc l'objet de pureté, de douceur et d'esthétisme qui lui parlait depuis tout à l'heure n'était pas un ange.

Soit.

C'était même intéressant à exploiter puisque ça n'excluait pas tout contact.

- Mais alors pourquoi ?

Il avait parlé à voix haute sans s'en rendre compte, plus pour lui que pour l'être qui devait s'interroger sur sa santé mentale.

Peut-être s'agissait-il de timidité ?

Mais non, Klein n'aurait pas attaqué une personne timide sans un minimum d'approche.

Jamais il ne sautait sur quelqu'un qui ne le voulait pas.

Sauf mauvaise interprétation, ce qui était visiblement le cas.

Ou alors le psychologue avait eu peur que quelqu'un entre. Le jeune homme avait tendance à oublier ce genre de détail, mais il était vrai que c'était un détail présent dans l'esprit de certaines personnes.

Sinon, c'est que le problème venait de lui.

Klein n'avait pas envisagé les choses sous cet angle, ayant toujours l'habitude de penser qu'il ne pouvait pas susciter le moindre problème.

Il était plutôt bien de sa personne, il ne puait pas, et même si tout le monde n'appréciait pas son style, il savait prouver qu'il pouvait compenser autrement. Par l'ardeur nottament ...

- Je ne comprends pas ...

Il regarda ... le psychologue, les yeux interrogatifs, un doigt devant la bouche en ammorçant un rituel de cent pas.

- Je vous ai envoyé des signaux en riant un peu, vous avez répondu sur le ton de la plaisanterie. Jsuque là, le scéma habituel. Ensuite j'ai lancé un deux signaux plus insistant, juste pour voir, sans vraiment penser que vous alliez y répondre, ce que vous avez fait et qui m'a agéablement surpris. Donc je me suis permis d'aller plus loin. Mais lors pourquoi non ?

Il se posa sur son doigt, comme si cette question était de vie ou de mort.

Soudain l'immulination, encore.

Il fit un petit geste stéréotypé pour bien le marquer.

- Ou alors j'ai été trop vite !

Sven ne bougea pas, ne quitta pas sa chaise, et se contenta de regarder Klein se mettre à faire des allez et retours en parlant tout seul.

Il ne prenait pas particulièrement l'autre pour un fou, mais ce n'était pas bien loin. Mais, après tout, lui-même avait tendance à récapituler les idées qu'il pouvait avoir à voix haute.

Tout du moins, quand il était seul. Non, il n'avait pas tendance à se mettre à parler à voix haute devant l'un de ses patients. Rien qu'à imaginer la scène...

"-Et donc, vous comprenez, j'ai toujours eu du mal avec les hommes et...
- Ah... Donc, elle doit être totalement amoureuse de son père encore aujourd'hui...
- Pardon ?
- Non, je parlais tout seul."

Non, les résultats auraient pu être catastrophiques. Et pas uniquement pour le patient.

Parce qu'à force, ses patients blessés auraient parlé, et il aurait perdu toute clientèle possible. Oui, c'était sans doute un peu mesquin, mais il avait un loyer à payer.

De la nourriture à acheter.

Des vêtements à se procurer.

Et parfois, même, il avait besoin de médicaments.

Oui, ça lui arrivait, parfois, il tombait malade. Et quand ça lui arrivait, c'était une vraie bonne maladie, une bonne grosse fièvre qui le clouait au lit pendant des jours et le laissait presque mourrant.

Quand il était petit, c'était les soeurs qui s'occupaient de lui. Plus grand, sa femme. A présent... plus personne en fait, il devait réussir à tenir tout seul.

Il finit par se rendre compte de sa digression mentale, et il décida de revenir au présent, et à ce jeune homme qui continuait à se poser des questions toutes plus étranges les unes que les autres.

Qui avait, au juste, parlé de signaux ?

Et, de quels signaux Klein était-il en train de parler ? L'ensemble de son attitude semblait si légère, si dénuée de sens...

Avait-il réellement voulu dire beaucoup plus que ce qu'il faisait ? Maîtrisait-il réellement ce genre de chose ?

- De quels types de signaux parlez-vous au juste ?

La question avait été posée sur le ton de la conversation, même si Sven savait déjà parfaitement de quel genre de signaux le jeune homme pouvait parler.

- Ne me dîtes pas que... vous pensiez que je pouvais... comment dire ça...

Il se mit à réfléchir sérieusement à la meilleure façon qu'il avait de dire ce qu'il pensait avoir compris.

Mais, s'il était à l'aise avec les sentiments et les corps des autres, il n'en était pas de même quand ça le concernait.

Quand il devait parler de lui, ou qu'il devait aborder un sujet le concernant, il se sentait tout de suite nettement moins détendu et avait tendance à être légèrement plus gêné.

Il rougit probablement, légèrement, plaçant sa main devant sa bouche, comme s'il était sur le point de tousser, ne comprenant pas réellement la raison qui le poussait à ressentir autant de gêne.

- Vous ne pensiez tout de même pas que je pouvais avoir envie d'avoir une relation plus poussée, si ?

Il espérait sérieusement que Klein se rendrait compte qu'il n'était tout simplement pas possible de se comporter ainsi avec un collègue. Surtout quand on venait tout juste de le rencontrer !

Non, toute personne normale, équilibrée, avec un minimum de sens logique, savait que les histoires de ce type ne se faisaient pas au bureau.

En boîte, oui.

Après une soirée ou entre amis, pourquoi pas.

Mais on ne mélangeait pas le bureau et le cul, tout simplement parce que cela modifiait les relations entre les gens, et il était hors de question de créer ce genre de chose sur une île comme celle ci.

Non, vraiment, Klein devait réussir à comprendre ce genre de chose.

Et ce, tout seul.

Non vraiment, adorable.

Le jeune infirmier avait toujours eu tendance à se dire que les rougissements allaient mieux aux peaux très claires, et une fois de plus, il s'avérait qu'il avait raison.

Il s'était également souvent demandé, si le rougissement commençait sur les joues, jusqu'où il pouvait se poursuivre. La réponse était particulièrement dérangeante parce qu'elle dépendait des personnes, de la situation et d'une dizaine de secondes. Le temps de vérifier et tout avait déjà disparu.

Parfois ça restait, généralement plus souvent chez les femmes.

Et la ça devenait vraiment intéressant.

Une vision lui apparut soudain comprennant le psychologue entièrement nu, seulement couvert de ce rougissement.

Quel tableau sublime !

Ayant gagné sa journée grâce à cette pensée esthétique, Klein décida de revenir répondre à l'appel de la réalité.

Et posa la question qui lui brulait les lèvres.

- Vous considérez qu'un baiser est une relation poussée ?

Et de fait, il se le demandait vraiment, comme l'illustrait sans aucun doute son visage.

Une chose ne devait pas passer avec la créature enchanteresse, ils n'avaient apparement pas les mêmes conceptions de la vie.

Ou alors lui-même était totalement à côté de la plaque.

Parce qu'il ne voyait pas ce qu'il avait fait de mal, cependant untel avait l'air de plus en plus ennuyé.

La seule conclusion était donc que les deux hommes ne comprennaient pas les mêmes choses.

- Enfin ...

Quoi qu'ait pensé l'apparition sublime, Klein commençait à s'ennuyer maintenant qu'il savait que le problème n'était dû qu'à une mauvaise compréhension.

L'histoire n'avait rien de palpitante, stagner ne servait à rien.

- On ne va pas non plus y passer la journée, fit-il avec un grand sourire. Je vous promets de ne plus vous sauter dessus sans autorisation explicite et verbale. En échange, vous me faites visiter ?

C'est vrai qu'il n'avait pas eu le temps de tout repérer en trois jours, or le bâtiment était vaste et il devait avoir manqué les pièces les plus importantes.

En plus, mine de rien, il aimait maitriser son espace envirronementale, connaître les portes de sortie.

Comme ça, s'il y avait un nouveau, c'est lui qui ferait la visite ... et qui profiterait des coin sombres !

Cette pensée l'amusait plutôt.

Le changement de sujet pouvait faire du bien, tout simplement parce que Sven ne voyait plus quoi répondre. Il pensait réellement avoir été assez clair, et il ne voyait pas ce que Klein avait pu ne pas comprendre.

L'enchaînement de leur discussion avait pourtant semblée tout à fait logique et pas particulièrement compliqué à suivre. Même pour quelqu'un comme Klein.

D'autant plus avec tout ce qu'il avait pu dire en parlant tout seul et en tournant en rond dans ce bureau.

Mais il préférait largement ne pas faire de remarque à voix haute sur cette idée, ne voulant pas relancer un débat sur ce genre de question. De toute façon, Klein semblait s'être lassé.

Et au vu du regard qu'il lui avait lancé alors qu'il rougissait, il préférait ne plus parler de ce genre de choses...

Sven se releva tranquillement de sa chaise et regarda un instant ses pauvres dossiers abandonnés. Ce n'était pas en faisant vitsiter les bâtiments qu'il allait réussir à rattraper son retard.

- Bien, je vais vous faire visiter ce que je connais. Mais ne vous attendez pas à des passages secrets, je n'en ai pas encore trouvés.

Annonça-t-il en se rapprochant de la table basse. Il se baissa légèrement pour reprendre les dossiers qu'il avait posé là peu de temps avant. Il les reposerait en passant devant son bureau, histoire de ne pas avoir à les porter durant toute la visite.

Il les prit doucement dans ses bras, ne voulant pas risquer de les faire tomber et d'éparpiller l'ensemble des feuilles sur le sol. Ce genre de chose lui était arrivé une fois, et ça avait apporté quelques inconvénients.

Quand vous vous retrouvez à genoux, au sol, dans un couloir très fréquenté d'un hôpital, il est très désagréable de vous faire marcher dessus par un peu tout le monde.

Et, ce qui était particulièrement désagréable, c'était les regards condescandant des médecins et psychiatres qui se permettaient de vous regarder de haut parce qu'ils avaient fait quelques années de médecine.

Sven aurait volontier prit un peu de temps pour parler du narcissisme avec ce genre de personnes, mais il savait que c'était voué à l'échec. Et puis, il n'avait jamais voulu aider les adultes à aller mieux.

Seulement les enfants. Parce que, pour eux, on pouvait toujours faire quelque chose. Il y avait toujours moyen de les aider à être un peu plus heureux.

Ou un peu moins malheureux.

De les sauver de ce qui leur faisait du mal. C'était parce que les enfants ne pouvaient faire les choses seuls qu'il voulait les aider. Il n'appartenait qu'aux adultes de changer les choses.

Prenant ses dossiers précieusement contre lui, Sven se rendit compte qu'il s'était totalement perdu dans ses pensées et dans son complexe du : je dois sauver tout le monde pour que personne ne vive ce que j'ai vécu.

Il se tourna tranquillement vers Klein et demanda en souriant calmement :

- Bien, nous y allons ? Par quoi voulez-vous commencer au juste ?

Il ne connaissait pas encore toutes les parties de cet établissement, mais il espérait réussir, tout de même, à ne pas trop se perdre. Il avait proposé de faire visiter cet endroit à Klein, s'il n'y arrivait pas...

Sa parole n'aurait plus guère de valeur...

Dommage, pas de passages secrets.

A moins que la créature aux allures enchanteresse ne les ait pas encore trouvé. A méditer.

- Eh bien, j'irais bien aux sous-sols. On m'a dit qu'il y avait les salles de recherches là-bas mais je ne les ai pas visitées. Et puis c'est l'occasion de se pencher sur l'avancée des problématiques de l'ïle.

Et c'était un fulgurant passage en mode professionnel.

Klein se trouvait quand même classe quand il le voulait ! Il espérait juste qu'on voudrait bien le laisser se renseigner sur ces fameuses recherches.

Après tout, c'était quand même la raison de son admission en ces lieux.

Et puis un peu de curiosité pour l'avancée de la science, ce n'était jamais mal placé. Ce n'est pas comme si on torturait les sujets et qu'on les enfermait comme des animaux.

Dans de telles conditions, cette île était vraiment un espoir pour le progrès.

C'était un asile pour les têtes pensantes, pour un futur âge d'or basé sur la science, visant à pousser les limites des capacités humaines.

Enfin tout ça n'avait rien d'urgent.

En revanche, le tas de feuilles posées en équilibre précaire sur les bras si fins du psychologue, ça ça avait l'air urgent, limite effrayant.

- Je peux vous aider peut-être ? Demanda-t-il plein de bonne volonté, grand sourire accroché aux lèvres.

Un jour, le jeune homme avait croisé une personne un peu dans ce style, pas très adroite mais ayant apparement une volonté sans limites. Elle avait fait tombé beaucoup de choses à terre et Klein l'avait vu tout ramasser sans se plaindre, s'excusant poliment du désagrément causé et repartant remplir ses fonctions la tête haute.

Bien sûr sûr, cela l'avait intrigué et il avait un peu discuté avec la jeune fille.

Très pure, dégageant une ambiance sublime ... du même type que l'homme à la réflexion.

Et très gentille avec ça, sans le connaître, elle lui avait dit les choses qu'il fallait.

Ils s'étaient quittés comme ça, après un café et depuis, Klein ne l'avais jamais revue. Mais il s'en souviendrait longtemps. Parfois il espérait la croiser à nouveau, juste pour parler.

Enfin bref.

Tout ceci n'avait que peu d'intérêt. Même si la rencontre entre le psychologue et cette jeune femme aurait été amusante, il fallait bien l'avouer.

Klein tandit les mains, attendant une possible réponse.